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27/04/2020 14:54
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Nouvelle proposition à La consultation
Légaliser le cannabis : reprendre la main sur les enjeux sociaux, sanitaires et de sécurité publique...
C’est en 1970 que la France a prohibé le cannabis par deux lois votées au Parlement. Sans revenir sur le contexte international prohibitionniste de l’époque poussé par les Etats-Unis, ces lois ont été adoptées durant une période que le sociologue sud-africain Stanley Cohen, ancien professeur à la London School of Economics, a qualifié de « panique morale ». En 1969, une jeune fille de 17 ans est retrouvée morte d’overdose dans les toilettes d’un casino de Bandol. Ce fait divers, dramatique et sordide, a marqué l’opinion et précipité une action politique plus forte sur les drogues. En ce qui concerne le cannabis, c’est pour combattre les idées d’un « gauchisme culturel » que le Gouvernement conservateur de l’époque ait souhaité y mettre un terme, afin de donner un signal d’autorité à son électorat. Cinquante ans après, quel bilan peut-on faire de la prohibition dans notre pays ? La situation française du cannabis est marquée par plusieurs phénomènes : - Une double augmentation : celle de la consommation chez les 18 à 64 ans. En 2019, 45 % des Français interrogés ont déclaré avoir au moins consommé une fois du cannabis, ils étaient 42 % en 2014. Et celle, aussi, du nombre de saisies, pour atteindre 115 tonnes de résine et d’herbe en 2018 ; - Un produit disponible sur le marché noir qui a fortement évolué ces dernières années. L’augmentation en teneur de THC selon l’INPS a triplé en quinze ans pour la résine, à 26,5 % en 2018, tandis que celle de l’herbe a augmenté de 40 % (11 % en 2018) ; - Si la consommation tend chez les jeunes à la baisse, sur une base bien entendue déclarative et avec des disparités sociales fortes, la consommation problématique à 17 ans a augmenté entre 2014 et 2017, passant de 22 % à 25 % des usagers actuels (OFDT). Il est ainsi urgent d’agir sur la nature des produits, donc sur le marché, et de mieux accompagner les consommateurs par une politique de prévention puissante et d’accompagnement social, notamment l’éducation à l’usage, qui demanderait bien entendu des crédits budgétaires à la mesure de l’enjeu. Cela passera nécessairement par la reprise en main financière et fiscale du marché du cannabis et de la lutte contre le trafic illégal. Cette lutte coûte à l’Etat environ 500 millions d’euros, selon le Conseil d’analyse économique (CAE), un organisme rattaché au service du Premier Ministre. Le coût social, notamment pour notre système de santé, avoisinerait quant à lui le milliard d’euros. Alors que le trafic de stupéfiants a été intégré, depuis janvier 2018, au calcul du PIB du pays, l’INSEE mesure enfin le marché du cannabis à plus d’un milliard d’euros en France, un chiffre qu’on peut penser sous-estimé tant il est difficile d’appréhender un marché noir toujours plus florissant. Le CAE, dans sa note de juin 2019, rappelle aussi que « Face à l’inflation du nombre d’affaires liées au cannabis, les parquets ne peuvent engager des poursuites, ni appliquer des peines, dans tous les cas. ». Ils ont donc défini « des approches alternatives qui leur sont propres ». Il enfonce un peu plus le clou : « La sévérité et l’application de la loi varient d’un territoire à l’autre, notamment entre zones rurales, urbaines et péri-urbaines, créant de facto des problèmes de discriminations épinglés par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme ». L’application de la loi est de « deux poids deux mesures », et ces discriminations sont aussi sociales : plus de 90 % des dossiers judiciaires mènent aux classes populaires alors que la consommation touche tous les milieux sociaux. Le cannabis est une manne financière primordiale pour la délinquance et le crime organisé, sans communes mesures avec les autres substances illicites dans notre pays. Il est souvent utilisé comme source de financement pour des armes de poings et armes de guerre comme des Kalashnikovs, sur le marché noir. Les forces de sécurité intérieure devraient être mobilisées sur le grand banditisme, largement financiarisé et internationalisé, aux liens complexes avec l’économie légale, et non pas sur les petits trafiquants du bout de la chaîne de valeur. Doit-on accepter avec fatalisme cette situation ? Non. Nous devons pouvoir légaliser le cannabis en France, en construisant une politique publique à la lumière des forces et des faiblesses des expériences étrangères, en Amérique du Nord, du Sud et au sein de l’Union européenne. Si l’heure est venue de se réinventer, ne négligeons surtout pas la puissance transformatrice et bienfaitrice d’une telle réforme. Celle-ci ne servirait pas une quelconque dérive hédoniste de la société, mais bien un progrès impératif de justice sociale et une reprise de contrôle sécuritaire, sanitaire et économique.
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27/04/2020 14:54
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22/04/2020 16:11
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Nouvelle proposition à La consultation
Revoir la politique du handicap française : faire du secteur médico-social une plateforme d’expertis...
La politique du handicap représentait en France 46,6 milliards d’euros en 2014, soit 2,2 % du PIB. La même année, le budget de la Défense nationale s’élevait à 31,4 milliards d’euros. En 2015, celui de l’Education nationale était de 47,4 milliards d’euros. Les rapports entre ces masses budgétaires (qui ont augmenté après l’arrivée d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République en 2017) sont peu ou prou restés les mêmes jusqu’à aujourd’hui. Ces chiffres ne disent qu’une seule chose : nous dépensons pour le handicap une somme importante. Pour autant, devons-nous nous satisfaire de la situation des personnes en situation de handicap aujourd’hui en France ? Pouvons-nous revendiquer que ces personnes soient pleinement intégrées dans notre société ? Qu’elles ne souffrent pas de discriminations, spatiales ou sociales ? À l’évidence, non. J’ai la conviction que nous pouvons, avec cette formidable ressource disponible, faire mieux. La politique du handicap s’est construite en France au fil de l’eau, avant les grandes lois comme celle de 2005. C’est l’histoire tout d’abord d’un désengagement de l’Etat qui a amené le secteur associatif à s’investir dans la prise en charge des personnes en situation de handicap. Celui-ci a construit progressivement un secteur dit « spécialisé » doté d’une grande expertise dans la prise en charge de l’ensemble des besoins spécifiques de ces personnes. Sans remettre en cause l’engagement de ces femmes et de ces hommes, ce phénomène a créé une anomalie dans notre pays : les personnes en situation de handicap ont peu à peu disparu du milieu ordinaire, au détriment de leur insertion sociale, culturelle et professionnelle. Ceci n’est ni souhaitable ni acceptable. Mon combat politique porte sur l’inclusion de ces personnes dans le milieu ordinaire, tout au long de leur vie. Cela commence bien entendu à l’école, où les différences doivent être comprises et acceptées dès le plus jeune âge par l’ensemble des écoliers de la République. Puis dans l’entreprise et le secteur public, où nous devons aller bien au-delà de l’obligation d’emploi de personnes handicapées (OETH) aujourd’hui située à 6 % des effectifs d’une structure. Je propose ainsi que le secteur spécialisé devienne une plateforme de services et d’expertise au service du milieu ordinaire. La scolarité d’une personne en situation de handicap doit pouvoir se dérouler dans son intégralité au sein de l’école (du primaire au collège, voire au lycée). À titre d’exemple, à l’âge de six ans, 85 % des élèves en situation de handicap sont scolarisés dans une classe ordinaire. Mais quatre ans plus tard, à dix ans, ils ne sont plus que 45 % selon le Ministère de l’Education nationale. Les jeunes adultes doivent ensuite bénéficier d’une formation professionnelle adaptée à leurs capacités et à leurs aspirations. Elles doivent pouvoir trouver un emploi, comme tout un chacun, et évoluer professionnellement. Aujourd’hui, les personnes en situation de handicap sont deux fois plus touchées par le chômage que le reste de la population. Être handicapé en France signifie avoir trois fois moins de chances d’être en emploi, deux fois plus de chances d’être au chômage et de subir une durée de recherche d’emploi supérieure d’au moins un an. Enfin, en 2017, 103 700 établissements (entreprises de 20 salariés ou plus assujetties à l’OETH) employaient 489 000 personnes handicapées, soit 4,7 % de personnes physiques, loin des 6 % légalement obligatoire pour toute entreprise. Le milieu ordinaire doit pouvoir intégrer ces personnes, en bénéficiant de la présence et de l’expérience des personnels du secteur spécialisé. Le handicap est une richesse qui implique de nombreuses « externalités positives » pour l’entreprise, et un cas concret d’apprentissage du vivre ensemble, de la tolérance et de l’altérité, à l’école.