La consultation
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Contingenter la liberté d'installation des médecins pour lutter contre la désertification médicale
Les médecins qui souhaitent exercer dans le secteur libéral peuvent s'installer dans n'importe quel endroit du territoire, sans contrainte d'aucune sorte.
Cette "liberté d'installation" a toujours été défendue bec et ongles par les syndicats médicaux. Elle fait partie d'un corpus culturel médical, spécifique de notre pays, qui défend une pratique individualiste, rétive à l'évaluation des pratiques et peu soucieuse de la santé publique. Cette culture est difficilement interrogeable sauf à susciter un lobbying intense et souvent efficace. Il suffit de poser la question aux ministres de la santé successifs, quel que soit le gouvernement, pour en mesurer la puissance et la violence des résistances au changement.
Cette "liberté d'installation" a pourtant d'importantes conséquences dans l'apparition de ce qu'on appelle "les déserts médicaux" dans certains territoires. Il faut dire immédiatement qu'elle n'en n'est pas la seule cause: une autre cause, majeure elle aussi, réside dans la désaffection des étudiants en médecine de la spécialité de médecine générale. Actuellement, moins de 10% des étudiants formés (chiffre à vérifier) choisissent cette orientation, alors que le MG est un pilier majeur d'un système de santé moins hospitalo-centrique. Il faudra bien entendu réfléchir aux moyens de faire évoluer cette situation préoccupante: cela pourrait faire l'objet d'une autre proposition.
Pour en revenir à la "liberté d'installation", il est indispensable de la réguler. Un rapport passionnant et complet de l'Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé (ONDPS) sur "les conditions d'installation des médecins de ville en France et dans cinq pays européens" montre que d'autres pays ont une politique différente. L'Allemagne, parmi cinq pays, mérite de retenir l'attention. Je cite : "En 2012, l’Allemagne a reformé la règlementation en matière d’installation des médecins de ville. Une loi (le « Bedarfsplanung ») a introduit un numerus clausus du nombre de médecins, appuyé sur une définition de la demande des régions locales. Elle a également introduit des mesures correctives tant financières que non monétaires pour les médecins qui s’installent dans les régions où la demande est élevée". J'ai souligné l'intérêt de la solution allemande, car celle des autres pays seraient difficilement transposable en France. La médecine est de fait nationalisée en Espagne et au RU, les Pays-Bas connaissent moins de problèmes de disparité d'installation du fait de la faible étendue du territoire et le système belge est semblable au nôtre avec les mêmes problèmes.
Ma proposition est donc la suivante: pourquoi ne pas instaurer un numerus clausus à l'installation par unité de territoire à déterminer, sur des critères objectifs et pertinents tels que la population, les statistiques de morbidité-mortalité, etc. L'installation serait donc contingentée, avec un chiffre maximum de médecins installés en secteur libéral par unité de territoire. Si un médecin souhaite s'installer dans un territoire dans lequel le nombre maximum de médecins en exercice est déjà atteint, il peut être inscrit sur une liste d'attente des places qui se libèrent du fait de la cessation d'activité de ses confrères.
Il s'agit certes d'une proposition qui demanderait à être approfondie, mais son principe existe déjà pour d'autres professions paramédicales.
Bien sûr, et j'y insiste, cette proposition doit s'insérer dans une réforme plus globale de la pratique médicale de ville dans notre pays.
Pour finir, je souhaite bon courage au ministre de la santé qui portera ce type de réforme: il sera confronté à une forte contestation et à beaucoup de haine. Un dernier conseil: toucher au pouvoir médical nécessite l'implication absolue et déterminée non seulement du ministre (en général ça ne pose pas de problème) mais et surtout de la part du PR. Le passé montre que bien des réformes mettant en cause le pouvoir médical ont échoué du fait d'interventions efficaces auprès du président de la République.
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