Les ateliers
#LeJourdAprès ateliers
Atelier 4 : “Repenser nos souverainetés et les liens entre les différents territoires”
Quatrième atelier en visioconférence “Repenser nos souverainetés et les liens entre les différents territoires ”, mercredi 15 avril à 17h30 avec :
- Jean Viard, sociologue et directeur de recherche au CNRS
- Hubert Julien-Laferrière, député du Rhône
Chaque crise nous amène à nouveau à nous interroger sur la manière dont nous construisons notre société et notre économie. Celle que nous vivons, doit être celle des réponses.
Penser le Jour d’après, c’est établir un état des lieux de notre modèle économique et social.
Depuis de nombreuses années, nous avons considéré la loi du marché comme la plus rationnelle, or elle a pris le dessus sur nos quatre souverainetés :
- Agriculture
- Santé
- Éducation
- Sécurité
La pandémie que nous vivons nous le rappelle.
Le lien également entre nos métropoles et les différents territoires doit se renforcer vers plus de solidarité et une meilleure répartition des ressources agricoles, sanitaires, éducatives et sécuritaires.
Lien Zoom
Comptes rendus des rencontres
Dans ce webinaire Jean Viard décrit un monde qui était dominé par le marché depuis le début des années 80 et qui voit ses certitudes ébranlées notamment face à la pandémie du COVID19.
L’économie de marché était considérée comme le meilleur moyen de développer la planète et, d’une certaine manière, cela a marché en permettant de réduire la misère et de faire tomber les totalitarismes.
Nous sommes à la fin de cette période, nous sommes dans un modèle déstructuré où nous nous rendons compte qu’un virus ou un virus informatique peut nous mettre à bas assez facilement.
La pandémie de COVID19 qui est finalement, pour l’instant, moins meurtrière que celles que le monde a pu connaître, remet en cause nos certitudes et semble ouvrir une nouvelle ère.
C’est en premier lieu le début d’un combat possible contre le réchauffement climatique car on se rend bien compte que l’homme n’est pas possesseur de la nature et l’homme est bel et bien capable de modifier ses comportements. On peut se mettre d’accord à l’échelle mondiale, cette crise en est la preuve. Importance de la coopération à l’échelle internationale.
Nous sommes dans un monde où la question de la régularisation du marché se pose de manière très forte. Le monde politique doit penser horizontalement car nous voyons bien que l’organisation en silos de notre pays ne fonctionne pas. Il faut pour cela redonner des marges de manœuvre et du pouvoir aux collectivités locales. Leur donner la capacité de gérer les territoires sous l’ensemble des thématiques, élargir leurs compétences pour être au plus proche du terrain. Par exemple, Jean Viard propose de rendre la gestion de la carte hospitalière aux Régions pour plus d’efficacité. Aussi, pourquoi pas, de rendre prioritaire le personnel soignant dans l’accès aux logements à proximité des hôpitaux et cliniques des centres-villes.
La situation actuelle montre bien que nous n’avons pas pensé correctement les fractures territoriales et les fractures sociales. Déjà, les gilets jaunes nous alertaient sur la situation de notre pays. Au moment des GJ, Jean Viard considère que LREM n’a pas su penser les territoires. Pour l’instant, la « grande politique » prévue après le Grand Débat sur la décentralisation, avec une vraie prise en compte des territoires ne vient pas : il faut réfléchir en profondeur, pour que chacun ait le sentiment d’être mieux protégé. Le local, ce n’est pas juste une carte administrative. Il faut que l’on se bouscule et avoir une structure totalement horizontale.
Aujourd’hui nous nous rendons bien compte que les « petits métiers » sont sous évalués sous l’angle de leur utilité sociale et ségrégés en reléguant leurs employés en périphérie des grandes métropoles. Il convient dès lors de revaloriser rapidement les salaires pour ces branches d’activités (Jean Viard propose +20%) et de mettre en place les conditions d’une plus grande mixité sociale dans les centres-villes.
Pour faire face au contexte actuel, nous devons faire de la politique « radicale ». Nous devons proposer des mesures claires, fortes et radicales. Déclarer la fin du Jacobinisme français ? Réaffirmer la Nation au sein de l’espace européen ? Donner des tablettes numériques à tous les enfants à la rentrée prochaine pour marquer l’entrée définitive dans l’ère numérique ? Cette radicalité politique nous préservera des extrémismes politiques en embuscades pour récupérer ce désir de radicalité des populations. Jean Viard pose même la question d’une 6e République : Peut-être faut-il passer à la 6e république ? C’est peut-être le moyen d’être radical pour répondre à l’attente des populations, faut-il passer à une 6eRépublique qui s’appuiera sur les territoires afin de gouverner désormais de ce niveau ?
Point important : « Radicalité » ne veut pas dire extrémisme : c’est prendre des mesures simples et radicales que tout le monde comprend (Telle que passer à une 6e République justement). Ce n’est pas une structure hiérarchique avec un Etat alerte et léger qui garantit les libertés fondamentales, mais bien une gouvernance de chaque instant à l’échelle des territoires.
La crise du COVID19 permet au politique de récupérer des marges de manœuvre face à l’économie. Elle permet également de reposer la question de nos souverainetés et de nos biens communs. Si Jean Viard ne croit pas à la relocalisation massive des activités économiques, la question de notre autonomie en cas de crise se pose très fortement. Si nous observons que le croisement entre concentration de population et densité numérique crée de la croissance, il faut penser le modèle en prenant en compte tous les territoires et en comprenant mieux les mobilités.
Du point de vue du marché : Le système actuel permet d’avoir le meilleur des services et de biens à moindre prix et cela a servi également au développement des autres pays (Inde par exemple). Il ne s’agit donc pas de tout relocaliser, cela réintégrera des coûts supérieurs de production et donc une baisse trop significative du pouvoir d’achat.
Comment faire ? Il est impossible de maintenir le pouvoir d’achat tout en re localisant en intégralité, et surtout de faire croire aux marchés financiers qu’on pourra supporter cela avec une dette limitée.
En revanche, selon Jean Viard le point essentiel est qu’il y a des « souverainetés » à protéger, les 4 souverainetés fondamentales (agriculture, santé, éducation, sécurité) : il faut pour celles-ci se poser la question de notre autonomie. Il est donc absurde d’imaginer de fermer les frontières : c’est la coopération des hommes au contraire qu’il faut la sauver car elle nous permettra de lutter contre le réchauffement climatique, et de traverser cette crise et celles à venir. Mais il faut protéger certaines souverainetés essentielles
Conclusion
Pour le sociologue, cette crise va faire plus évoluer la société que toutes les luttes sociales depuis 50 ans. C’est un contexte qui peut faire bouger les lignes si les réponses politiques sont les bonnes et assouvissent le besoin de radicalité des populations. Dans le cas contraire, nous nous exposons à une montée des totalitarismes bien réelle. La question de la dette est un vrai enjeu : mais nous sommes dans une parenthèse où l’on accepte de ne pas se poser de la question de la dette pendant plusieurs mois pour nous « sauver » : il faut impérativement profiter de cette parenthèse pour que cette période exceptionnelle pour mettre en œuvre une politique de changements radicaux afin que cette dette soit utile : utile à la transition écologique principalement : qu’elle ne développe pas des produits polluants, faire en sorte que la dette soit réorientée dans le « bon sens ».
La cure de citoyenneté induite par la crise permet de re-légitimer la politique. Nous devons donc être très vigilant aux décisions qui vont être prises dans les prochains mois.
« Ce que nous vivons, c’est une cure de citoyenneté. Depuis 40 ans, l’Économie a écrasé le Politique. Aujourd’hui ce qui sauve l’Économie, c’est justement le Politique. Ce sera donc un rééquilibrage des rapports de force où la politique sera de nouveau efficace et honorable »
« Cette crise va nous transformer individuellement. Il va y avoir un désir de vie mais aussi un désir de radicalité. Si ce désir nous ne le portons pas, d’autres le porterons pour nous. »
Partager: