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Atelier 3 : "Le Jour d’après sera celui d’une unité nationale multiculturelle"
Troisième atelier en visioconférence "Le Jour d’après sera celui d’une unité nationale multiculturelle" lundi 13 avril à 17h30 avec :
- Pascal Brice, Ancien directeur de l’ofpra et membre du collège de praticiens du droit des étrangers auteur du rapport "pour une politique migratoire à la hauteur de toutes les exigences de la République"
- Carine Rolland, médecin et membre du Conseil d'administration de Médecins du Monde
- Aurélien Taché, député et auteur du rapport 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France
Description :
Malgré une relative stabilité globale des flux migratoires, les moyens consacrés à l’intégration n’ont cessé de se réduire. Ce refus de penser à la fois les flux migratoires et les dispositifs d’intégration des étrangers ont conduit à ce qu’au fil de l’actualité les débats ont tour à tour porté sur l’asile, les conditions d’accueil, les discriminations... des sujets essentiels qui restent d’ailleurs entiers mais ne répondent pas à la question de savoir qui nous voulons accueillir et surtout comment. Pour de multiples raisons, nous n’avons plus assumé de débattre démocratiquement de cette question centrale, alors que c’est pourtant bien de cela qu’il s’agit : assumer une politique migratoire responsable et digne, qui se donne les moyens de ses ambitions.
Le deuxième écueil, qui s’est greffé sur le premier, est l’absence de réponse sérieuse dans le camp progressiste aux questionnements légitimes autour de l’identité et les postures idéologiques réactionnaires des conservateurs sur ce sujet, qui nous ont conduits à la situation actuelle, dans laquelle on glose inlassablement autour du « vivre-ensemble », sans jamais se donner les moyens de « faire-ensemble ».
Comment pallier les incohérences de la politique migratoire française ? Comment rendre effectif l’intégration des demandeurs d’asile ? Construire la France de demain autour d’une unité nationale multiculturelle ?
Lien : https://zoom.us/j/341993854
Lien Zoom
Comptes rendus des rencontres
Aurélien Taché (AT) : Quelle accueil et quelle intégration pendant la pandémie ? Quelles conséquences de la crise sur les migrants qui ne sont pas pris en charge ? Quelles solutions d’urgences à mettre en place ? Quelles conséquences de la crise sur les demandes d’asile alors que les guichets ont été fermés et toutes procédures gelées, quelles conséquences sur l’accès au droit ? Quelles perspectives tracées pour des réponses d’un nouvel ordre concernant l’accueil des personnes étrangères dans notre pays ?
Penser ce jour d’après en matière migratoire aussi et quelles réponses peut-on donner en faveur d’un droit d’accueil plus lisible et protecteur, quel parcours d’intégration ? Qu’est-ce que cela implique dans notre pacte républicain ses atouts, ses limites ?
Comment mieux impliquer les citoyens ? Que peuvent-ils faire à leur niveau sur ce sujet qui nourrit beaucoup de fantasmes ? Comment faire évoluer les choses en matière de cohésion nationale ?
Carine Rolland (CR) : On parle beaucoup d’immigration mais la réalité en France est que bon nombre de personnes à la rue sont des demandeurs d’asile entassés dans des campements indignes alors que la France est la 6ème puissance économique mondiale.
L’accès aux soins est essentiel. Alors qu’il y a six mois des décisions ont été prises par ce gouvernement pour entraver ce droit pour les étrangers, on se retrouve dans cette situation de crise sanitaire. L’association Médecins du monde réclame depuis toujours l’accès aux soins pour tous.
(AT) : Ces mesures récentes entravent-elles la situation des demandeurs d’asile ?
(CR) : il y a un délai de carence pour les demandeurs d’asile pour accéder aux soins. Les caisses font beaucoup d’efforts pour répondre à tout le monde mais, par exemple, on a eu un cas de Covid-19 dans un gymnase à Nantes. Comment peut-on gérer sa prise en charge quand cette personne n’a pas de papiers ?
Pour lutter contre le COVID-19, pour respecter les gestes barrières, il faut pouvoir se laver, a minima, les mains mais dans les campements où il n’y a pas de point d’eau, comment faire ?
On a un rapport au respect de la vie humaine qui est hallucinant alors que la moitié des réfugiés sont des enfants. Il faut se donner les moyens pour les aider alors que ces personnes sont vues comme une menace, il faut rappeler que ce sont des survivants que l’on doit protéger.
Il faut arrêter de traiter cette question sous l’aspect sécuritaire ! On continue d’harceler ces personnes au lieu de les protéger. Avant que l’on soit débarrassé de cette pandémie, il va falloir attendre un an, j’espère que l’on commencera à prendre en compte qu’une vie humaine égale un accès aux soins sans discrimination.
Pascal Brice (PB) : protéger ces personnes est une question d‘ordre public sanitaire.
Selon moi, certaines mesures peuvent être prises dès maintenant :
- Dans toutes les grandes villes françaises, les travailleurs sans papiers tiennent l’économie et le pays en continuant de travailler. J’ai eu la confirmation de la part des syndicats de la CGT et de la CFDT. Je préconise donc la régulation de ces travailleurs, c’est une question de justice et de reconnaissance. On leur doit bien cela.
- Concernant l’accessibilité à la demande d’asile, il est nécessaire, selon moi, de garantir ce droit. Nous pourrions, par exemple, alléger la procédure au sein des préfectures en suspendant la prise des empreintes digitales.
- Il faut également repenser la gouvernance de l’asile : remettre les étrangers à leur juste place. Au lendemain de la crise, est-ce les réflexes de solidarité ou de repli qui vont conquérir le cœur des Français ? Notre proposition est de disposer de catégorie de droits de manière organisée :
- En augmentant la capacité de prise en charge des demandeurs d’asile,
- En créant de nouvelles catégories pour les déplacés environnementaux, les travailleurs ou encore les migrants humanitaires.
- Le pacte républicain nous rassemble autour de valeurs fondamentales mais il a également ses limites on le voit avec les différentes formes de discriminations existantes, l’incapacité de regarder le passé colonialiste de notre pays et de son histoire qui est depuis toujours multiculturelle. Reconnaitre notre diversité est essentielle.
(AT) : Quelles conséquences peut-on retenir de cette crise ?
(PB) : Que la mise à l’abri et l’accès aux soins sont essentiels. Demain, se posera la question de la reconnaissance de ceux qui qui ont été en première ligne et il ne faudra pas oublier ces sans papiers qui ont participé à l’effort national. Cette simple reconnaissance résiderait dans l’obtention d’un titre séjour.
Je pense également qu’il faut faire évoluer le parcours de la demande d’asile notamment sur le droit à travailler. Aujourd’hui, ce droit ne leur est pas accordé alors que demain ne nous le permet. On aura besoin de tout de le monde pour faire repartir notre économie.
En matière de soins, pourquoi pas fusionner l’aide médicale d’État (AME) et la protection universelle de santé (PUMA) ?
(CR) : si on doit tirer une leçon de cela, c’est raisonner autrement. Encore une fois, ces personnes ne sont pas une menace et ils ne sont pas trop nombreux.
Notre histoire est multiculturelle, il faut l’intégrer !
On a des problèmes d’intégration depuis des décennies, on focalise sur ces personnes migrantes alors qu’elles sont très peu dans la population. Si on accepte d’être dans une société du care et du soin, si on considère que les logiques de santé publiques sont la base, on réfléchit territoire et pas administratif.
Les Portugais, l’ont fait même si c’est temporaire. L’urgence c’est la régularisation. Par exemple, en donnant l’asile à tous ceux qui l’ont déjà demandé car on peut ne pas faire du cas par cas ou alors on trouve un autre moyen juridique que l’asile pour pouvoir les régulariser. Par exemple en créant un droit au séjour pour raison humanitaire ou donner un pouvoir discrétionnaire au préfet pour qu’il puisse régulariser sur des durées bien plus longues que celles prévues actuellement.
Si on prend l’aspect utilitariste de l’immigration, Il faut également penser la pyramide des âges, on a besoin de ces personnes pour palier cela.
Il faut savoir qu’ils travaillent tous, avec les papiers de quelqu’un d’autre s’il le faut. Beaucoup sont des jeunes qui sont venus pour se construire un avenir et font un tas de boulot essentiels que les Français ne veulent pas faire. D’un point de vue utilitariste, demain on aura besoin de jeunes en bonne santé qui veulent bosser. Le migrant répond à ces critères.
Par ailleurs, l’accès au soin pour tous sans aucune discrimination administrative en période pandémique est indispensable. C’est dans l’intérêt de tous que tout le monde y ait accès.
(PB) : Je voudrais croire que l’on pense solidarité mais jusqu’à quand ? J’ai bien peur que les mécanismes de repli perdurent voire augmentent.
Selon moi, pour intégrer convenablement les étrangers pendant et après cette crise, il faudra :
- Arrêter de mobiliser autant d’administrations qui compliquent la vie et le parcours d’accueil et d’intégration de ces personnes. Il est nécessaire de mettre en place un titre de séjour pluriannuel et étendre les catégories de droits.
- Catégoriser les droits d’obtention car même si j’aimerai des papiers pour tout le monde, l’état de la société ne le permet pas. Il faudra donc créer des protections humanitaires mais qui ne relèvent pas du droit d’asile, améliorer le droit d’asile, anticiper les déplacés environnementaux et ceux qui travaillent sans papiers.
- Créer des conditions décentes et humaines mais avec des limites. Ceux qui sont au travail et participent à la vie de ce pays doivent pouvoir sortir de la clandestinité.
- Reconnaitre notre multi-culturalité car c’est une immense richesse, chacun peut vivre et en faire l’apport au collectif national.
- Faire évoluer notre pacte républicain dans lequel je crois profondément et qui nous a permis de nous forger autour de valeurs communes mais il faut également reconnaitre ses limites et les regarder en face pour avancer ensemble vers plus de solidarité.
(AT) : Dans mon rapport dédié à l’accueil et à l’intégration des migrants en France, j’avais proposé que l’on intègre ces sujets, de l’histoire plurielle de la France pour celles et ceux qui suivent leur contrat d’intégration.
J’avais également souligné la nécessité de donner plus de place à nos concitoyens en leur proposant par exemple de venir témoigner et d’échanger sur ce pacte républicain au moment de la signature du contrat d’intégration ou au moment de la cérémonie de naturalisation par exemple car c’est un moment important pour les femmes et les hommes qui rejoignent officiellement notre pays.
On a ce trésor en France qui est la liberté de croire ou de ne pas croire. C’est extrêmement important, il faut dé-passionner les débats qui touchent l’immigration.
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