Les ateliers
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Atelier 1 : "Le Jour d'après sera numérique ou ne sera pas "
Premier atelier en visioconférence "Le Jour d'après sera numérique ou ne sera pas" mercredi 8 avril à 17h30 avec :
- Sébastien Soriano, président de l'Autorité Régulation des Télécommunications, des Postes et de la distribution de la presse (ARCEP)
- Mathilde Bras, directrice opérationnelle de la Fondation internet nouvelle génération (FING)
- Paula Forteza, députée des Français de l'étranger, spécialiste du numérique et co-initiatrice le Jour d’après
Description :
Le numérique a pris une place décuplée dans notre quotidien en cette période de crise : télétravail, réseaux sociaux, démarches dématérialisées, plateformes d'entraide ... C'est aussi l'un des moyens déployés par les pouvoirs publics dans la lutte contre la pandémie mondiale du Covid-19. Les applications de tracking ont été utilisées par de nombreux pays et pourrait faire partie de la stratégie de déconfinement des gouvernements européens. Bien que vecteur d'opportunités immenses, les risques associés à un usage incontrôlé des nouvelles technologies doit nous interroger sur le modèle numérique que nous choisirons le Jour d'après. La protection des données personnelles, la consommation énergétique du net, la fracture numérique persistante sont autant d'enjeux qui questionnent l'évolution actuelle de nos économies et de nos sociétés "numérisées".
Quelle stratégie numérique face à la crise ? Comment protéger nos libertés individuelles dans ce contexte ? Un modèle numérique de confiance, résilient et durable est-il possible ?
Pour accéder à l'atelier en direct sur Zoom mercredi 8 avril, vous devrez cliquez ici à partir de 17h30.
Lien d'accès à l'atelier : https://zoom.us/j/272389578
Comptes rendus des rencontres
Compte-rendu de l’atelier « le Jour d’Après sera numérique ou ne sera pas » - 08/04/2020
Les intervenants :
Sébastien Soriano, président de l’Autorité Régulatrice des Télécommunications, des Postes et de la distribution de la presse (ARCEP)
Mathilde Bras, directrice opérationnelle à la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING)
Animé par Paula Forteza, députée spécialiste du numérique et cofondatrice de la consultation Le Jour d’après.
Introduction
Paula Forteza : Nous voyons, dans le contexte actuel, que le numérique est omniprésent durant la crise : que ce soit pour le télétravail, l’école, les démarches administratives, le divertissement, l’entraide et la solidarité, la mondialisation épidémiologique ou le traçage numérique.
Les débats qui étaient déjà posés n’ont pas disparus, mais se sont juste accentués. La fracture numérique s’amplifie par exemple au sein des territoires du fait de l’illectronisme, à l’isolement social s’ajoutant l’isolement forcé.
Retours sur les propositions les plus soutenues sur la plateforme Le Jour d’Après
Paula Forteza :
Quatre grandes propositions sont ressorties sur la consultation Le Jour d’Après :
- Mettre en place un grand plan de sobriété numérique
- Créer de bus numériques pour aller à la rencontre des personnes souffrant d’illectronisme
- Arrêter le déploiement de la 5G
- Investir les communs numériques avec des ressources publiques/privées
Mathilde Bras : L’idée du grand plan de sobriété numérique est intéressante, puisqu’il demande verticalement aux pouvoirs publics de se mettre en mouvement pour affirmer une volonté politique, mais aussi horizontalement afin d’aller chercher sur le terrain les idées.
Mais ce plan doit aussi s’accompagner de transformations numériques plus globales :
- Du point de vue de la commande : critères de numérique durable dans appels d’offre pour des marchés publics
- Du point de vue de l’offre : pratiques internes durables autour de l’accessibilité, éco-conception
- Du point de vue du collectif : citoyens dans l’optique d’utiliser et promouvoir un numérique alternatif
Sébastien Soriano : Je vois deux problématiques globales. Premièrement, comment faire en sorte que tout le monde se sente concerné par le numérique ? Le plus structurant au niveau national est le déploiement de la fibre optique, question de la capacité et de l’ambition que nous avons en la matière.
Deuxièmement, la société veut un numérique choisi, et non subi. Si l’on veut avoir ce type de numérique, la question du modèle dans lequel les grandes firmes imposent leurs conditions doit être posée avec force. Il est devenu indispensable que la tendance construite autour des big techs cesse. Il faut donc avoir un changement d’ambition très fort dans la manière selon laquelle nous gérons ces entreprises, de nos régulations.
Première question : Est-ce qu’il aura un avant/après crise concernant notre modèle numérique ?
Sébastien Soriano : La technologie est évidemment un enjeu politique. Il existe une sorte de « surmoi technologique » qui nous laisse penser que la technologie fera forcément mieux que tous les procédés actuellement déployés. Mais depuis déjà quelques années, nous sommes à un point de bascule : l’instrument numérique est un facteur d’opportunité et un facteur de risque. D’opportunité tout d’abord, puisque nous voyons, encore plus qu’avant, que le numérique est un fantastique instrument d’échange, et de coopération, sous des formes diverses (plateformes d’entraides, impression 3D de matériel médical). Facteur de risque ensuite, puisque la tentation de la bascule vers une logique de surveillance est forte.
Mathilde Bras : La question de la reconfiguration des problématiques déjà existantes est cruciale à l’aune de cette crise. La matérialité du numérique apparaît aujourd'hui avec force, notamment lorsque l’on doit télétravailler ou faire attention à la bande passante des services.
Premièrement, la sécurité est, à cet égard, nécessairement critique. Mais les questions managériales et du droit du travail se posent avec tout autant d’acuité. La dépendance à certains acteurs est aussi modifiée en tant de crise, puisque les outils de grands acteurs sont mieux acceptés faute d’alternative. D’autre part, la politique de la donnée doit également être posée.
Deuxième question : Quelle utilisation des outils numériques et protection des données pour sortir de la crise ?
Mathilde Bras : A mon sens, le niveau de protection de nos données en temps de crise doit être aussi élevé, voire plus qu’en temps normal. Actuellement, le numérique peut faire l’objet d’utilisations multiples :
- Première couche : cartographie en temps réel de l’épidémie.
- Seconde couche : presque plus structurante, données pour imaginer l’après-crise au plan économique, social et politique, afin de la transformer en projet plus global.
La stratégie des données ouvertes peut donc être pensée au-delà de la gestion de la crise épidémiologique.
D’un autre point de vue, une stratégie de dépistage ne peut uniquement reposer sur des outils numériques. L’initiative pan-européenne de traçage de proximité est intéressante en ce sens. Les chercheurs du MIT Media-Lab ont aussi mis en place des guides pratiques respectant le principe de privacy by design, qui est indispensable. Il faut enfin interroger l’utilité et l’acceptabilité démocratique de ces outils.
Sébastien Soriano : je suis vraiment en phase avec Mathilde. Le mot « volontaire » a été utilisé par Cedric O et Olivier Véran, très intéressant en ce qu’il explicite les choix gouvernementaux en faveur de la participation des citoyens pour utiliser la technologie comme outil de sortie de crise.
Mais l’enjeu va bien au-delà des données personnelles. La situation actuelle est un peu ubuesque, où Orange ou Google viennent proposer leur aide aux pouvoirs publics avec la quantité de données qu’ils possèdent, alors que ce n’est pas une décision du politique. Cette situation renvoie à la question des données d’intérêt général, qui peuvent être utilisées par la puissance publique pour résoudre des problèmes colossaux. L’utilisation de ces données dans un cadre légal, coercitif, est donc à examiner. Nous réalisons que si nous voulons un numérique choisi, nous devons absolument renverser le rapport de force qui se fait actuellement sans contrôle démocratique. Aux premiers temps d’Internet, le contrôle s’effectuait par la concurrence ; or aujourd'hui, le seul choix est de quitter un service quand il n’existe pas d’alternative – et c’est souvent le cas. Il y a donc un vrai enjeu de souveraineté des Etats en la matière.
Questions-réponses avec les participants à l’atelier
- Bénédicte : ancienne enseignante en REP, se pose la question de la précarité numérique des enfants qui ne savent pas utiliser les tablettes, la reliant à l’idée des bus numériques.
- Erwan : pose la question du tracking, qui devrait uniquement être piloté par la Garde des Sceaux.
- Éric : coordinateur d’un réseau numérique dans la Creuse, pose la question de l’accessibilité à internet et propose de considérer un droit public numérique sur un accès minimal à Internet pour tous.
Sébastien Soriano : Pour la fibre optique, il est possible d’avoir la même ambition que la France a eu dans les années 1980 pour le téléphone. L’écosystème d’acteurs est présent, que ce soit l’État, les collectivités territoriales ou les acteurs privés. C’est donc une histoire de volonté politique. L’ARCEP, qui est le régulateur de ce secteur, n’est pas une locomotive lancée à toute vapeur pour lancer la 5G en France. Des limites maximales d’émission existent, pour tout type de technologie. Mais nous allons en outre mettre en place un indicateur de bonne pratique environnementale pour les opérateurs.
Mathilde Bras : Il y a beaucoup d’enseignants et d’acteurs qui documentent ce qu’il se passe actuellement avec les étudiants, et des enseignements seront à tirer de la crise actuelle.
Pour revenir à d’autres points qui ont été soulevés, le cadre de coopération industrielle européen sera à réinterroger. Par ailleurs, des bassins d’innovation, au niveau des régions ou départements, sont à examiner de plus près : les capacités d’innovation et de construction d’alternative sont par exemple démontrées par les réseaux de fablab au cours de la crise actuelle.
- Hervé : élu local, accès numérique est devenu un besoin social au point que les habitants n’hésitent plus à s’adresser au maire pour les soucis liés à internet. Vrai problème, serait aussi à prendre en compte par l’ARCEP car les élus locaux n’ont quasiment aucun pouvoir vis-à-vis des acteurs du numérique alors que sont les premiers interlocuteurs.
- Sébastien : membre du mouvement Archipel Citoyen à Toulouse, pose à nouveau la question du déploiement de la 5G et sur la taxe GAFAM. Sur la plateforme Le Jour d’Après, y aura-t-il un suivi des propositions ?
Mathilde Bras : C’est important d’avoir ce débat et la consultation pour remettre citoyen au cœur de la décision. Important d’avoir une boucle de rétroaction après la consultation Le Jour d’Après. Impatiente de la suite.
Sébastien Soriano : L’Arcep veut faire de la 5G réseau de bien commun, avec parfois une opposition dans l’écosystème environnemental. Mais le débat doit avoir lieu maintenant. On par exemple la possibilité de développer des usages qui vont permettre de baisser l’empreinte carbone, je fais un appel à toute les forces pour coconstruire la 5G que nous voulons. Nous ne sommes pas en train d’ouvrir les vannes, mais un tel projet se construit dans la durée. Quand il n’existe pas de régulateur fort, les GAFA prennent ce rôle et il n’existe pas de contre-pouvoirs. Construisons quelque chose ensemble.
Paula Forteza : Au sujet de la taxation des géants du net, la France continue à la défendre au niveau européen et mondial notamment dans le cadre des travaux conduits par l’OCDE. Concernant le traitement des contributions de la plateforme : nous avons déjà mobilisé des data-scientistes et des collaborateurs parlementaires pour faire une synthèse qualitative. L’idée est de faire une synthèse très fidèle quantitativement, et qualitativement. Ces propositions feront ensuite l’objet d’un choix politique pour porter une vingtaine de propositions au Parlement.
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