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Atelier 7 : « Demain, de nouvelles solidarités internationales ? Fragmentations ou Réconciliations : comment gouverner et investir dans un monde en commun »
Participez au septième atelier le Jour d'Après « Demain, de nouvelles solidarités internationales ? Fragmentations ou Réconciliations : comment gouverner et investir dans un monde en commun » jeudi 23 avril à 11h.
- Rémy Rioux, Directeur de l’Agence Française de Développement, président du Club des banques de développement IDFC.
- Hubert Julien-Laferrière, Député du Rhône, rapporteur pour avis du budget APD (2017-2019).
La crise sanitaire que nous traversons interroge nos politiques de solidarité internationale et les moyens mis en œuvre pour lutter efficacement contre la propagation de l’épidémie dans le monde en développement. Mais plus largement elle doit nous obliger à penser la nécessité toujours plus grande d’un monde à construire en commun, contre les tentations du repli.
Aussi, si les budgets de l’aide publique au développement des Etats restent un levier important pour la résolution des crises mondiales et l’atteinte des objectifs du développement durable, il nous faut pourtant aller plus loin : développer les partenariats publics-privés en la matière, rediriger massivement une partie des activités de la finance mondiale vers le développement solidaire.
Avec Rémy Rioux, nous tenterons de comprendre comment la France fait face au contexte actuel et quels sont les grands enjeux qui se dessinent pour demain pour un monde plus durable, plus solidaire et plus inclusif.
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Comptes rendus des rencontres
Introduction Hubert Julien-Laferrière
Face à la crise, il y a une tentation de repli sur soi, une tentation de fermer les frontières. Ceci alors même que cette crise nous montre au contraire que nous avons davantage besoin de solidarité internationale, davantage besoin de coopération internationale. Et ceci pas seulement pour lutter contre la pandémie et ses effets mais bien pour pouvoir penser le monde de demain. L’année 2015 fut importante à ce titre avec la mise en place des ODD et de l’Accord de Paris, deux éléments qui donnent la feuille de route du monde durable et de l’Aide Publique au Développement. Cette feuille de route doit mobiliser plus largement, au-delà de l’APD, tous les acteurs publics ou privés qui peuvent contribuer à la réalisation de ces objectifs.
Propos de Rémy Rioux
Rémy Rioux a tenu à préciser que son intervention est effectuée à titre personnel, avec beaucoup de modestie, car nous ne comprenons encore pas tout de l’événement historique que nous traversons, et ses conséquences. Il salut l’implication des employés de l’AFD qui sont mobilisés dans cette crise, l’activité est intense.
1) Le jour d’aujourd’hui : comment peut-on le décrire ? Il y a un paradoxe au sujet de la solidarité internationale en France. Deux aspects ressortent des sondages que l’AFD effectue chaque année : 1/ ils révèlent une réelle angoisse face à la mondialisation et ceci conforte l’idée de la mondialisation des problèmes (80% des français). 2/ mais il y a aussi une volonté d’engagement forte de la part de la population en termes de solidarité internationale, d’un renfort de l’APD. Selon Remy Rioux, la crise devrait accentuer ces sentiments de crise globale et de la nécessité de renforcer la solidarité internationale, car il y a une vraie conscience des sujets mondiaux. Toutefois, il y a également de réelles incertitudes sur notre capacité collective à y répondre. Ce sont deux sentiments qui seront peut-être encore renforcés par la crise. Il existe un besoin d’engagement collectif, de sens collectif, une soif de solidarité internationale. Pour répondre à ces défis, nous devons retravailler collectivement notre récit de la politique d’APD.
2) Le jour d’après le jour d’après : on ne peut parler de demain sans avoir une idée d’après-demain. Les questions et les tensions immédiates ne pourront trouver des réponses satisfaisantes que si l’on se projette dans un agenda plus long. Il faut s’appuyer sur l’agenda du développement durable 2015 – 2030 et sur l’agenda de Paris qui nous pousse à la neutralité carbone en 2050. Les deux agendas vont d’ailleurs sans doute fusionner dans une même feuille de route vers 2050. Il faut que nous raisonnions en termes de trajectoire. Nous devons avoir la préoccupation du long terme pour pouvoir trouver les compromis et le chemin de demain. Les ODD nous montrent une seule et même crise et nous vivons une seule et même crise en ce moment. Le cadre de 2015 peut nous aider à penser ce que nous vivons en ce moment et à imaginer la suite. Il est nécessaire de sortir du « vieux récit du développement » et penser le jour d’après du jour d’après peut nous aider à le faire. Pour penser cette nouvelle idée du développement nous nous servons à l’AFD de ce graphique : (https://www.afd.fr/sites/afd/files/2018-09-04-02-18/plan-orientation-strategique-afd-2018-2022.pdf) .
Il faut classer les territoires en fonction de leurs empreintes écologiques, de leur capacité à vivre et à se développer de manière durable. Ce graphique aide à définir une nouvelle vision de la politique de développement dont l’objet n’est plus de « rattraper » mais l’objet est de financer une transition dans tous les pays du monde. Financer le partage vers des solutions de développement durable. Pour Remy Rioux, la nouvelle loi « développement » qui doit être discutée le plus rapidement possible est presque la loi la plus importante du jour d’après car elle doit permettre d’aborder toutes ces questions et de définir le cadre de nos politiques de développement et leur récit.
3) Le jour d’après : il faut trouver des mots, il faut trouver des concepts pour essayer de dépasser la tension entre le court terme et le long terme. Il faut également trouver une méthode, Rémy Rioux ayant déjà tenté cet exercice dans son livre « Réconciliations » [1]. Il faut sortir du débat ouverture/repli : c’est une aporie. Les solutions seront à la fois nationales et internationales et la question importante est plutôt celle de leur articulation. Il faut lier des acteurs nationaux et des acteurs internationaux, préférer au multilatéral le polylatéral ou quelque chose dans cet esprit. C’est pourquoi par exemple, l’AFD travaille en relations étroites avec la Caisse des Dépôts, c’est pourquoi quand ils réunissent les grandes Banques de Développement internationales, ils réunissent également les Banques de Développement nationales des différents pays. Il faut que la politique de développement française soit une politique ambitieuse, d’ampleur, sur laquelle on communique, ceci afin qu’elle puisse remplir pleinement son rôle et ses objectifs.
Propos de Philippe Jahschan -Président Coordination Sud
Pour les ONG aujourd’hui, s’il est essentiel de parler du Jour d’Après, il est essentiel aussi de parler des urgences du moment qui sont malheureusement nombreuses et s’accroissent. Les données qui sortent au fur et à mesure sont très préoccupantes, notamment pour l’Afrique. Le PAM craint une crise de la faim, l’OIT décrit une perte de 25 millions d’emplois à venir, les estimations d’OXFAM sont extrêmement préoccupantes.
Les initiatives de la France concernant la dette sont les bienvenues mais cela n’est qu’un report de charges pour l’instant. Le leadership de la France sur cette question est une bonne chose. Mais cela ne suffira malheureusement pas. Il doit y avoir une augmentation significative de la part de dons de la France et plus généralement des pays européens. Nous sommes dans une situation qui met les différents pays dans le même bateau mais pas exactement avec les mêmes moyens.
Deuxième réflexion sur le moyen – long terme. Il paraît effectivement fondamental de repartir avec l’agenda du développement durable défini durant l’année 2015. Malheureusement nous ne sommes pas vraiment au rendez-vous de cet agenda à ce stade et nous observons même des reculs sur certains objectifs depuis cinq ans. Agenda 2015 = contrat social mondial. On a besoin de connaître et de mettre en place les modalités de ce contrat social mondial. Il y a des sujets qui sont en suspens depuis trop longtemps. Le sujet de régulation fiscale au niveau international par exemple. Le sujet de la sortie du PIB comme indicateur roi. Question de la capacité à projeter des politiques dans le long terme, sommes-nous encore capables de le faire ? Ce n’est pas sûr … Comment réinventer cela ? Comment penser en termes de « communs » au sein des politiques publiques ?
Dernier point sur les ODD : Coordination Sud a beaucoup plaidé pour que certains ODD soient intégrés dans l’ensemble des politiques publiques de manière permanente pour qu’à chaque fois que l’on met en place des politiques publiques, ces dernières prennent en compte les objectifs fondamentaux (pauvreté, inégalités, écologie). La question de la méthode pluri-acteurs est aussi fondamentale car il y a une appétence de plus en plus forte des citoyens pour faire partie de la gouvernance de ces grands sujets.
Parole conclusive Rémy Rioux
Lorsque l’on croit aux ODD, on croit à la pertinence du local à la fois dans l’analyse et dans l’action. Les ODD c’est de la Géographie et du long terme, des trajectoires. Les différents ODD sont interdépendants et doivent être considérés dans leur ensemble, dans leurs articulations. Il n’y a pas de clef magique dans le développement et les ODD nous ont permis de prendre cela vraiment en compte.
Les banques publiques de développement sont des acteurs clés pour résoudre les objectifs des ODD. 10% de l’investissement dans le monde est public, ce qui est un levier très important pour aller vers la résolution des ODD. L’idée est de mobiliser des ressources de nos propres pays pour démultiplier les investissements et les résultats des coopérations internationales. Les banques de développement publiques parlent à tout le monde, c’est un avantage.
Il faut renforcer les dispositifs de volontariat international en France et pour les volontaires qui viendraient de l’étranger aussi. Il ne faut pas opposer national et international qui doivent être mêlés partout et tout le temps.
Le moratoire sur la dette africaine qui vient d’être décidé est important car il permet de dégager des capacités financières importantes pour les États africains (20 milliards) => pour comparaison, le budget de la santé mondiale est de 26 milliards en temps « normal ». Ça n’est pas une annulation de dettes, c’est un moratoire de suspension du remboursement de la dette.
Il faut des dons (et l’AFD est la première à le demander) mais ce n’est pas avec des dons que l’on finance le développement économique d’un pays. Nous-mêmes, nous ne nous sommes pas développés de cette manière. Les africains ont le droit de s’endetter, eux aussi, pour investir, pour se développer. Il faut pouvoir se financer dans le long terme pour pouvoir investir et il faut que ces investissements créent de la richesse et des ressources fiscales. La dette ce n’est ni bien, ni mal, c’est un outil. Il faut effectivement faire des allègements de dettes pour certains pays trop endettés et avec notamment une dette privée trop forte. Mais pour d’autres pays qui arrivent à se financer sur les marchés internationaux, annuler la dette leur porterait préjudice. Il faut regarder ça pays par pays, et dans un cadre international avec tout le monde autour de la table (chinois compris). Bien entendu, sans demande de contreparties en termes de gouvernance ce qui serait totalement inique.
Les flux financiers liés à l’APD sont précieux en période de crise de par leur stabilité et leur qualité dans le temps. « Mon souhait et ma demande est que l’APD mondiale augmente encore pour être de plus en plus efficace en jouant à plein son effet de levier notamment. »
Liens du podcast du webinaire
https://www.buzzsprout.com/1034980/3477181
[1] Rémy Rioux, Réconciliations », Débats Publics, 2019
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