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Atelier 6 : “Le Jour d’après sera celui de l’accès et au maintien à un logement décent”
Participez au sixième atelier « Le Jour d’après sera celui de l’accès et au maintien à un logement décent » le mercredi 22 avril à 17h30 avec :
- Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre
- Catherine Sabbah, déléguée générale de l'Institut Des Hautes Etudes pour l'Action dans le Logement,
- animation par Aurélien Taché, député
Alors que le pays commence à s’organiser pour multiplier la mise à l’abri des plus fragiles et faciliter la vie des travailleurs les plus exposés en multipliant les hébergements d’urgence, en nouant des partenariats avec des acteurs de l’immobilier (pap.fr) et du tourisme (Airbnb) et en comptant sur la mobilisation sans faille des acteurs associatifs, des pans entiers de la population subissent encore de plein fouet le mal-logement et ses conséquences, que les contraintes liées au confinement aggravent considérablement.
Dans son 25ème rapport annuel sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé Pierre, déplore en effet 14,6 millions de personnes mal logées ou en situation de fragilité par rapport au logement en France en 20201. Le surpeuplement, notamment, est une problématique grandissante. En 2013, les plus pauvres ont 15 fois plus de risque d’habiter un logement surpeuplé que les plus aisés, rapport qui était d’à peine 7 en 1992.
Les travailleurs indépendants, les salariés confrontés au licenciement ou personnes qui tirent l’essentiel de leurs revenus de l’économie informelle vont aussi rencontrer des difficultés nouvelles d’impayés de loyers dans les semaines qui viennent, générant ainsi à coup sur de nouvelles difficultés.
Pour une part très significative de nos concitoyens, l’accès ou le maintien dans un logement décent sera donc, en sortie de crise, la première des priorités et cette dernière doit donc être l’occasion de réinterroger en profondeur les mécanismes qui peuvent les faciliter.
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Comptes rendus des rencontres
Aurélien Taché (AT) : Je souhaitais que l’on puisse avoir un atelier dédié au mal-logement car il est très fortement accentué par le confinement. L’actualité faisant bien les choses, l’INSEE a fait paraitre une étude dans laquelle elle recense 5 millions de mal-logés aujourd’hui en France. Je crois que c’est 40% d’entre eux qui se situent en Ile de France et dans les villes de plus de 100 000 habitants.
Quelles sont les mesures urgentes à prendre pour que la situation des mal-logés s’améliorent lors de ce confinement ? Quelles solutions plus pérennes à mettre en place pour l’avenir ?
Sur la plateforme du Jour d’Après, nous retrouvons des contributions en faveur du plafonnement des loyers, des solutions pour protéger les SDF. J’ai moi-même fait une proposition sur les impayés de loyers en proposant la création d’assurance universelle de loyer. Proposition que je soumets également à d’autres collègues parlementaires, puisqu’à l’issue de cette plateforme nous aurons à la fois une vingtaine de contributions qui émaneront des citoyens et puis celles qui émaneront des 60 parlementaires qui auront appelé à cette consultation. Au moins une trentaine de contributions en tout. Nous espérons également nous associer à d’autres consultations qui auront été menées. Je sais qu’un certain nombre d’associations, de syndicats ont réalisé leur propre consultation. Peut-être, Christophe, tu pourras nous dire un mot sur celle organisée par Le Pacte de point de Vivre.
Je souhaitais évoquer donc avec vous ce fléau du mal-logement afin de trouver des pistes pour le faire reculer le plus possible. J’ai eu l’occasion, avec toi Catherine, de parler de la question de la construction de demain et la manière donc celle-ci doit prendre en compte le confinement que l’on vit aujourd’hui. Est-ce que les normes de constructions imposant un espace extérieur, par exemple, ne devraient-elle pas évoluer ?
Catherine Sabbah (CS) : On est tous confiné dans nos logements et on a tout le loisir de voir ce qu’il se passe en matière de dysfonctionnements dans les logements. Le secteur immobilier voit le logement comme un produit économique et financier et finalement ils oublient ce qui comptent. Le logement, ce n’est pas un produit qui doit enrichir mais un produit qui doit répondre aux besoins de ceux qui vivent dedans.
J’ai espoir que cette période confinement interroge ceux qui fabriquent les logements et leurs permettent de faire un peu mieux à la sortie de cette crise.
Christophe Robert (CR): Depuis le début du confinement, nous vivons, sur la tranche du mal-logement, nous avons pu mesurer de manière extrême les problèmes liés à celui-ci. Je pense aux personnes sans domicile fixe, aux personnes vivant dans des bidonvilles, aux personnes dans les squats, les campements ou encore les foyers de travailleurs migrants qui vivent dans des conditions de surpeuplement extrême, dangereuse au vue de la situation sanitaire.
Le gouvernement a répondu à une partie de cette population en mobilisant plus de 100 000 chambres d’hôtels et mettant en place une politique de mise à l’abri sans conditions pour protéger les fragiles.
Mais il en reste beaucoup d’autres : plus de 2 000 personnes appellent le 115 encore aujourd’hui et ils restent tout ceux qui vivent dans les campements et bidonvilles.
2ème catégorie, les mal-logés qui vivent dans un logement : les conditions de surpopulation, de sur occupation, vivant dans des habitats indignes. Quand le logement rend malade en période confinement, il y a une augmentation considérable des risques sanitaires, des risques de tensions et de violences et montre le décalage entre le logement et la réalité de l’habiter avec ce qu’ils peuvent trouver en fonctions de leurs ressources financières.
3eme réalité, la fragilité économique de tout un pan de la population. Ce confinement fait basculer les personnes qui vivent tous les mois au centime près, en privant ceux qui vivent de l’économie parallèle ou encore de leur activité économique saisonnière, dans la grande précarité et c’est là que pour le logement, il y a un risque majeur, car ces personnes vont se retrouver dans l’incapacité de payer leur loyer et leurs charges.
La débrouille ne marche plus et ces personnes sont souvent des personnes qui ne sont pas habituées des aides sociales, qui ne les connaissent pas. En parallèle, il y a une augmentation des charges et du montant des courses. Il y a un risque très important pour ces personnes, c’est pour cela que la Fondation Abbé Pierre appelle à un fonds d’aide pour aider ces personnes à payer leur loyer et leurs charges mais aussi pour les propriétaires en attente de leur décision d’expulsion qui se retrouvent sans cette ressource mensuelle.
AT : il y a plusieurs niveaux d’urgence entre ceux qui sont encore dehors malgré le confinement et qui ne l’ont pas choisi. Le gouvernement a agi en permettant de requisitionner des chambres d’hôtel, centres spécifiques pour aider les personnes à la rue mais j’ai été particulièrement sensible aussi à la situation des personnes âgées vivant dans les foyers de travailleurs migrants car on oublie que dans ces centres il y a beaucoup de personnes d’un certain âge, les fameux travailleurs Chibanis et il faudrait intégrer ces structures dans les programmes de dépistages prioritaires.
Sur les impayés, je préside le Conseil National de l’Habitat, une position commune est en train d’émerger pour soutenir cette proposition de fonds d’aide aux impayés de loyers. J’aimerai à ce titre que l’on dessine également quelques pistes à travers des solutions plus pérennes pour éviter aussi ces cas trop nombreux de mal-logement.
CS : A l’IDHEAL, nous avons fait un sondage dès le début confinement, pour lequel on a obtenu 8 000 réponses. Il portait sur les conditions de logement des confinés. On a eu un échantillon très francilien et plutôt cadre, mais ce que l’on note c’est que la plupart des personnes sont satisfaits de leur logement mais attention aussi à l’attitude psychologique qu’ont les personnes envers leurs logements car dénigrer son logement, c’est se dénigrer soi-même.
Mais ce que l’on peut retenir que 60% se disent correctement logés et réparti entre maison et appartement. En revanche, quand on voit ceux qui ne sont pas heureux dans leur logement, c’est 92% de gens qui vivent en appartement. Cela donne un aperçu sur le sentiment lié à la densité.
Ensuite on a une courbe entre appartement et maison, en moyenne un logement en France fait 90 m2, dans les interrogés ayant une surface inférieure, on a une dégringolade de la satisfaction avec 63% d’insatisfaits dans les appartements faisant entre 18 et 30m2.
Il y a une offre de logement neuf qui n’est pas en corrélation avec ce qu’attendent les gens. Dans le sondage, on comprend aussi que les Français sont très friands des espaces extérieur, chose qui est très peu fréquente, dans les petites surfaces et dans les offres proposées par les promoteurs immobilièrs.
C’est des choses qui ne sont pas faciles à régler car les promoteurs disent que construire des espaces extérieurs coûtent trop chers et que le Français moyen n’a pas les moyens mais je pense qu’il faut inverser les choses et proposer un choc d’offre comme on nous l’annonce depuis 3 ans.
Au contraire, je crois qu’il faut faire baisser les prix pour permettre le choc d’offre et donc remettre en cause l’ensemble de la chaine de construction de puis la fabrication de logement sur des terrains de la ville qui propose la fabrication de logements mais les mettent aux enchères et les vendre aux plus offrant jusqu’à la fabrication des logements eux-mêmes. Les promoteurs particulièrement, devraient pouvoir baisser leurs marges et travaillaient plus sur le produit qu’ils fabriquent pour répondre aux besoins concrets ;
Il y a des villes en France qui ont des prescriptions architecturales extrêmement fermes comme par exemple l’obligation de construire des logements traversants, pas de construction s’il n’y a pas de services publics, etc … et finalement cela a un impact sur la zone urbaine mais n’empêche que cela fait des logements de meilleure qualité donc c’est toute cette chaine qui est à revoir.
Mais ce que l’on risque de voir arriver est que tous les acteurs immobiliers se réveillent au moins de juin en souhaitant rattraper leur retard de construction et faire poursuivre leurs projets et produire, produire, produire sans rien changer.
La caisse des dépôts, et Il’NLI, filiale d’Action Logement se sont engagées à racheter 50 000 logements à des promoteurs qui ne peuvent pas les vendre et donc pourquoi pas conditionner ce rachat à la modification des plans et à l’organisation d’espaces extérieurs et communs ?
Bien que la production de logement neuve ne représente que 1% la production de logement, il est nécessaire d’augmenter les standards pour renouveler ce parc de logement.
CR : Au-delà, de la proposition de réaménagement de la production de logement neuf, c’est l’enjeu de de la politique de logement. La politique locale, est de considérer que le foncier et le logement comme le ciment de la ville. C’est ce qui la façonne.
Cette logique qui consiste à dire que le logement, ce n’est pas seulement un bien économique mais aussi quelque chose qui va façonner ma ville, la diversité de ces habitants et faire le lien entre le logement et le travail, ce sont toutes ces questions que l’on a dû mal à faire vivre.
Certaines villes le font mais de manière générale ce n’est pas ce qui ressort le plus. Je me rappelle que certaines villes avaient mis en place des chartes pour que le prix du m2 ne dépasse pas un certain montant afin de favoriser la propriété aux primo-accédants. En contrepartie, la ville vendait le foncier moins cher aux promoteurs. Une vision politique locale autour de la ville et du logement est indispensable.
CS : J’irai même plus loin en disant que la politique du logement doit être la mère de toutes les politiques publiques. Chacun est considéré par son logement c’est à là on fait tout. Les autres politiques publiques devraient être dépendantes de celle-ci. Elle n’a jamais été au cœur des politiques publiques mais qu’aujourd’hui, nous sommes tous cloitrer chez nous et cela nous montre à quel point ces endroits sont importants.
En France, on fait tout à partir d’une politique de l’offre, c’est à dire en fonction des grandes entreprises qui permet de créer un très grand nombre d’emplois dans le BTP certes mais on ne s’interroge jamais sur ce que veulent les gens à échelle locale, ce qui souhaiterait. il faut absolument renverser cela en repartant de la demande et d’adapter l’offre, ce qui me parait finalement assez logique et simple.
AT : ce que vous dites, c’est que le sujet du logement n’a jamais été considéré comme un sujet de société mais toujours comme un sujet économique. Les gens sont souvent contraints de vivre dans de logements très éloignés de leurs emplois par exemple. Il y a certainement à regarder à comment agir pour renverser cette tendance de l’offre et de la demande, l’évolution de la famille et la modulation des logements est également à prendre en compte. Les projets immobiliers prenant en compte l’ensemble de ces problématiques sont encore insuffisants.
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